TOURISME, UNE RÉTROSPECTIVE HISTORIQUE

A travers l’histoire, l’humanité s’est adonnée à différentes formes de voyage : migrations de peuplement, conquêtes militaires, échanges commerciaux, pèlerinages religieux, voyages curatifs, etc. Le voyage était, ainsi, principalement justifié par des raisons utilitaires. Le plaisir de la pérégrination, le dépaysement et le goût de l’exotisme furent alors de simple résultantes du voyage et non ses motivations initiales.

 

Le voyage d’agrément

 

Le tourisme, ou le voyage d’agrément, est l’activité d'une personne qui voyage pour son agrément. Visiter une région, un pays, un continent autre que le sien pour satisfaire sa curiosité, son goût de l'aventure et de la découverte, son désir d'enrichir son expérience et sa culture.1  Les premières pratiques touristiques ont vu le jour en Angleterre, avec l’avènement de la “Révolution industrielle” à la fin du 17e siècle. L’aristocratie anglaise fut l’initiatrice de nombreuses pratiques touristiques, dont le tourisme thermal, puis le fameux " Grand Tour ".

Le Grand Tour

 

Il s’agit d’une longue tournée en Europe effectuée par les jeunes issus des hautes classes de la société britannique. Perçue comme une expérience éducative et culturelle fondamentale, ce voyage portait essentiellement sur les destinations Pays-Bas, France, Italie et permettait à ces jeunes privilégiés de devenir “compleat gentleman” : la formation politique, le réseautage avec des personnes du même statut social dans les autres pays, l’enrichissement spirituel et esthétique, l’apprentissage des langues vivantes et l'ascension sociale en furent les principales raisons d’être.

 

Largement dénoncé par les moralistes de l’époque, le Grand Tour avait également une vocation “plaisir” : jeu, alcool et opportunités d’aventures amoureuses. C’était l’occasion de “se rembourser en Turquie d'une vie de chasteté exemplaire à la maison en accordant son beau corps à l'intégralité du Divan” : Lord Byron, en parlant des intentions de son compagnon de voyage Hobhouse2.

 

L’intérêt social du tourisme était tel qu’il renforçait l’appartenance à la classe supérieure et intellectuelle de l’époque. Ainsi, les jeunes voyageurs devaient faire le tour de lieux culturels, visiter les ruines antiques, acheter des pièces d’art et d’antiquité et développer une sensibilité artistique et esthétique leur permettant de  d’être appréciés et d’adhérer au milieu aristocratique.

 

Le mot "tourisme" fut dérivé de l’expression “Grand Tour”. Il est apparu en France en 1841, 30 ans après son premier usage en Angleterre.

Un nouveau rapport à la nature

 

La fin du 18e siècle a connu l’émergence de la littérature préromantique (notamment avec Jean-Jacques Rousseau), des récits de voyage des aventuriers britanniques tels que Pocoke et Windham ainsi que l’éclosion des représentations picturales de la nature. Cette vague intellectuelle a opéré un “renversement du regard” que les anglais et les français portait à l’égard de la nature. La montagne, les forêts et le littoral cessent d’être des lieux hostiles à l’homme et deviennent source d’attirance. C’est ainsi que d’autres formes de tourisme ont émergé, telles que le tourisme montagnard, climatique ou balnéaire. La Côte d’Azur fut des premières stations d’attraction.

Naissance du tourisme de masse

 

"Le Tourisme est devenu un phénomène de civilisation... L'ampleur qu'il a acquise l'a fait passer du plan limité d'un plaisir élitaire au plan général de la vie sociale et économique" (O.M.T, Assemblée générale de Manille, 1980).

 

Le premier voyage à forfait de l'histoire fut organisé, en 1841, par Thomas Cook, l’un des pères fondateurs du tourisme moderne. Il organisa, en 1855, le premier circuit touristique à travers l'Europe et devint, au fil du temps, le pionnier des vacances à forfait en Grande-Bretagne et sur le continent européen.

 

Pendant la seconde moitié du 20e siècle, le tourisme s’est transformé d’un plaisir réservé aux plus riches, à une migration saisonnière massive, grâce à plusieurs facteurs socio-économiques et politiques, à savoir :

 

                                                                                 Le cercle vertueux du Fordisme3

  • la prospérité économique, notamment grâce à l'expansion du Fordisme ;
  • la consécration du droit aux congés payés (1927 en Italie, 1931 en Espagne, 1936 en France et en Belgique) ;
  • la désacralisation du travail conjuguée à la valorisation du temps libre, du loisir et du bien-être ;
  • l’extension du salariat, l’amélioration des salaires l’augmentation du pouvoir d'achat de la masse salariale ;
  • la valorisation idéologique, à travers la publicité, de la consommation comme critère de distinction social ;
  • la valorisation idéologique du tourisme et la transformation d’activités touristiques en objets de consommation ;
  • l’amélioration et la diversification de moyens de transport : chemins de fer, voiture individuelle, et la réduction de tarifs de trains, etc.

 

D'autre part, cette massification du tourisme a émané d’une volonté politique. C’est ce que l’on peut déduire des propos de Jean Zay (1904-1944), ministre français de l'Education nationale (1936 à 1939) : "L'homme qui travaille a besoin de se recréer pendant ses heures de loisir. Pour répondre à cette nécessité, le tourisme, qui est une des formes les plus saines et les plus agréables de la vie en plein air, doit être mis à la portée de tous pendant les week-ends et les vacances"4.

 

Grâce à cette volonté, le taux de « départ en vacances » des Français, entre les années 1951 et  1989, a doublé en passant de 31 %, soit 10 millions de Français, à 60,7 %, soit 33 millions de Français.  

 

 

         Salaire annuel moyen ouvrier, de 1820 à 19955

 

Au cours de la seconde moitié du 20e siècle, le tourisme international a gagné en ampleur grâce aux voyages aériens devenant progressivement plus accessibles. Le voyage en avion vers les destinations côtières ensoleillées de la méditerranée fut à l’origine d’énormes migrations annuelles de l'Europe du Nord vers la Méditerranée puis vers des destinations plus éloignées : Europe de l’Est, Asie, et Russie. Une dynamique semblable a été remarquée aux États-Unis, avec des flux touristiques croissants vers le Mexique et les Caraïbes.

Au fil des décennies, les changements de conditions sociales, le développement économique et l’essor de la technologie ont entraîné de profondes transitions dans le tourisme. La fin du 20e siècle et le début du 21e a présenté une phase de mutation sur toutes les échelles. L'accès à l’information et la mobilité sont devenus plus faciles que jamais. Les compagnies aériennes low-cost, l’élargissement de la classe moyenne et l'économie du partage ont rendu les voyages plus accessibles à un nombre plus étendu d’individus.

De nos jours, grâce au nombre astronomique de voyageurs internationaux (1,322 milliard en 2017), le tourisme est devenu un véritable moteur de développement, contribuant à plus de 10% du PIB mondial et générant 1 emploi sur 10 dans le monde .  

 

 

1. Source : http://www.cnrtl.fr/definition/tourisme

2. Source : http://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/Grand_Tour/fr-fr/

3. Source :  http://homepages.ulb.ac.be/~jmdecrol/Upload_enseignement/Tourisme_troubles.pdf

4. Source : http://docplayer.fr/55514584-Le-quartier-de-la-bastide-a-bordeaux-vers-une-reconquete-urbaine-et-patrimoniale.html

5. Source : http://homepages.ulb.ac.be/~jmdecrol/Upload_enseignement/Tourisme_troubles.pdf